Les-murmures-de-l'Autan

Atelier 254

1. Écrire un texte comportant des mots finissant par "aire"

2. Un sujet sur le temps

3. Un texte en insérant les mots soupçon, indice, coïncidence, présumer, constater, sembler

J'ai choisi de travailler les sujets 1 et 2 en un seul texte 

Pendant que j'insérais ma carte bancaire dans le distributeur de billets, je sentis une légère vibration sous mes pieds. Une lumière dorée m'enveloppa et j'eus la sensation de flotter quelques instants dans un état de conscience intermédiaire puis le malaise s'estompa et tout redevint normal. Enfin presque!

Une charrette tirée par un cheval réfractaire passait dans la rue escortée par une nuée de mouches patibulaires, deux femmes en robes longues se pressaient sur le trottoir d'en face, chargées de paniers débordants de légumes. Tout était trop réel pour que ce soit le fruit de mon imagination. J'étais au même endroit mais visiblement pas à la même époque. Je reconnaissais l'église dans laquelle j'avais été baptisée, les allées ombragées du Baron Ritay pratiquement inchangées; même l'arbre de la liberté mort depuis des lustres, étalait sa majestueuse ramure. J'étais bien dans ma petite ville!

Je regardai mes vêtements: mon jean et mes baskets juraient avec la tenue vestimentaire des passants. Certains me lançaient des regards étonnés, d'autres baissaient les yeux pour éviter de croiser le regard d'une étrangère aussi peu ordinaire.

L'odeur du pain chaud, du cuir et du crottin s'entremêlaient dans l'air. Une fillette en robe blanche me croisa en courant. Elle portait un petit panier d'osier et riait aux éclats. Son visage solaire me sembla étrangement familier. Un frisson me parcourut.

Je me dirigeais vers l'église juste au moment où les cloches se mirent à sonner. Des femmes en grande conversation s'arrêtèrent, levèrent les yeux, se signèrent avant de reprendre leurs commentaires en s'éloignant.

J'avais lu des romans où les héros voyageaient dans le temps mais je n'avais jamais cru une seconde la chose possible et pourtant ça venait de m'arriver. Quelque chose ou quelqu'un m'avait fait venir du futur. Pourquoi?

J'entrai dans l'église. Chacun de mes pas résonnait dans le silence. Une vieille femme assise sur un banc me suivait du regard. Ses yeux d'un bleu polaire semblaient fouiller mon âme.

- Te voilà enfin, murmura-t-elle sans que je lui aie adressé un mot.

Je m'arrêtai net. "- Vous me connaissez? " demandai-je la gorge sèche.

Elle hocha lentement la tête. "- Tu ne te souviens pas encore mais tu vas te rappeler bientôt. Tout vient à point à celui qui revient."

Je ne savais pas si ses paroles étaient une prophétie ou une énigme? Elle sortit un petit carnet de cuir de sous son châle et me le tendit d'un geste autoritaire. La couverture était usée, les coins un peu cornés par le temps. Dessus, mon nom complet, tel qu'il apparaissait sur mes papiers d'identité.

Mon coeur fit un bond. Je pris le carnet les mains tremblantes. Les mots étaient fanés mais je reconnus sans peine l'écriture fine et un peu chaotique puisque c'était la mienne. Je l'ouvris à la première page, une date était en son milieu: 30 Avril 1895.

Cent trente ans en arrière! Jour pour jour!